mardi 26 février 2013

Céramiques du Haut-Moyen-Âge

Si pour un potier-archéocéramiste en hiver, une des tâches essentielles est l'approvisionnement en bois pour la saison, cela ne veut pas dire qu'il abandonne son atelier  et son four. Un temps à peu près clément a permis un nouvelle fournée de céramiques sombres, les plus faciles à réaliser en cette saison, le bois un peu humide favorisant les beaux enfumages.

Quelques jolies pièces alamanes tout d'abord:

la céramique alamane, ou alémanne, est une des seules à avoir conservé ses spécificités propres au peuple alaman.
Exemples de céramique alamandes découvertes dans le Land de Bade-Württemberg
Souvent modelées, mais parfois tournées aussi, une bonne part de ces pièces conserve une esthétique propre aux peuples germaniques, sans influence gallo-romaine. Les de la photo ci-dessus, que l'on peut dater de la seconde moitié du Vème siècle, sont typiques de ce répertoire. Elle montrent un très grande maîtrise de l'art de la poterie par ces peuples que l'on nomme encore trop souvent les "Barbares"
Donc autant dire que certaines de ces pièces ne sont guère faciles à reproduire! Commençons toutefois par les plus simples, ces petits bols à décor géométrique que l'on retrouve pratiquement chez tous les peuples germaniques. Forme modelée sur tournette, polie à main levée.








Un peu plus compliqué, les gobelets en forme de pignon de chaîne à vélo (cela ne s'invente pas, c'est ainsi que les archéologues allemands nomment ces pièces! Kettenzahnradbecher!)
C'est essentiellement en Bavière et Bohéme que l'on découvre ces gobelets, mais leur présence n'est pas exceptionnelle sur les bord du Rhin. Les Alamans étaient de grands voyageurs...



Ces deux pièces ont été partiellement réalisées au tour, puis reprises à main levée.
 Un petit gobelet à panse striée réalisé au tour. Très dispersées, ces pièces se découvrent parfois en France. Celui-ci est la réplique exacte d'un exemplaire de la nécropole de Bulles (Aisne) 
Et enfin un des fleurons de la céramique alamane: 
 Une telle pièce est d'abord réalisée en partie au tour ou à la tournette, de manière à obtenir une panse bien régulière. Puis en se servant d'un galet arrondi, on travaille la carène par enfoncements en glissant le galet selon un tracé hélicoïdal...

Et quelques pièce mérovingiennes: 

Réplique d'un gobelet tourné découvert à Toul. il est réalisé au tour à partir d'une argile relativement grossière, sommairement poli puis décoré par estampage.

Un gobelet cannelé de Rouen, réalisé également au tour. 
 Une autre pièce de Rouen, d'une argile beaucoup plus fine, portant un décor guilloché à la lame vibrante.

Les trois pièces ci-dessus sont qualifiées de "mérovingiennes" par l'époque dont elles sont issues, le VIIème siècle pour les deux premières, le VIème pour la troisième. Les francs mérovingiens n'ont pas conservé leurs types de céramiques traditionnelles. Ils se sont simplement approvisionnés auprès des potiers locaux gallo-romaine ou de leurs descendants. La céramique mérovingienne est une évolution directe de la gallo-romaine tardive. Contrairement à ce que l'on a longtemps cru, il n'y a pas de rupture de style à l'arrivée des Francs en Gaule romaine. Les Francs se considéraient d'ailleurs comme les héritiers de la tradition et de la politique romaine. Clovis lui même, Roi des Francs, portait avec grande fierté le titre de "Magister militum per Gallias" que lui avait conféré Anastrase, empereur romain d'Orient...Son père, Childéric 1er avait déjà porté ce titre. C'est d'ailleurs à ce dernier que l'on attribue la fondation de la lignée mérovingienne lors de son accès à la royauté en 457. La dynastie verra sa fin avec le coup d'état de Pépin le Bref en 751-752 qui amènera les carolingiens au pouvoir

Mais revenons à nos céramiques. Elles ont été cuites à environ 850 degrés, ont subi une forte réduction puis un enfumage qui les a profondément noircies. Cette dernière opération égalise les couleurs des différentes terres qui constituent ces pièces. 
Avant...
Et après...
L'oeil averti apercevra pas mal de formes gauloises dans cet assortiment. POurquoi un tel mélange? 
C'est tout simple. C'est parce que céramiques alamanes, mérovingiennes ou gauloises sombres se cuisent exactement de la même manière...Les différences de couleurs que l'on peut observer sur les originaux sont essentiellement dûes à une sorte d'oxydation, de décoloration qui se produit avec le temps. Si on abandonnait quelques unes de ces céramiques à l'air du temps, en quelques années certaines deviendraient aussi grises ou brunes...


lundi 11 février 2013

Où l'on change de style...

La céramique gauloise ou gallo-romaine, c'est vaste et intéressant, et je ne m'en lasse jamais.
Mais de temps en temps je me lâche un peu et fais tout autre chose...tout en restant dans les même techniques.

Une grande jarre, montée aux colombins. 
Cuisson réductrice environ 900 degrés dans un four à coupole, enfumage à chaud.
Terre à faïence chamottée 2 mm. 20%
Cuite ce dernier vendredi 8 février. Comme quoi les potiers en hiver ne passent pas tout leur temps à préparer du bois...


Potier en hiver (1)

L'hiver, c'est aussi la saison où l'on fait les provisions de bois. Il m'en faut 20 à 25 stères pour faire l'année.
Beaucoup de résineux, épicéa, mélèze, sapin Douglas.
Mais faut mettre la main à la pâte...

Là, j'attaque un lot d'une dizaine de stères. Surtout du sapin, mais un peu de mélèze aussi. A débiter en tronçons d'un mètre de long, puis à fendre au merlin et aux coins. Acheté sous cette forme, c'est vraiment pas cher. En plus, pas besoin de faire des heures en salle de fitness pour conserver la forme!
C'est un bon bois pour les fours, le sapin. Il brûle vite, avec une très longue flamme, très claire. Et avec un peu de chance, je tombe sur un foudroyé qui n'est pas mort tout de suite. Pour cicatriser les éclatements, il va faire beaucoup de poix, et il sera excellent pour les réductions et les enfumages