mardi 19 juin 2012

Petites fééries nocturnes à St.-Romain-en-Gal

C'étaient les 2 et 3 juin derniers. Journées romaines de St.-Romain-en-Gal. Et comme chaque année, gros déballage de techniques céramiques, en plus des traditionnelles reconstitutions de la vie civile ou militaire gallo-romaine.
Au milieu ds ruines antiques, ce sont donc 3 à 400 reconstituteurs qui ont animé ce qui est au fil des ans devenu une des plus grandes manifestations de reconstitution historique et d’archéologie expérimentale de France.
Et à nouveau, sous la direction d'Armand Desbat,directeur de recherches au CNRS et organisé par Srtéphane Kielbasa, un des responsables des animations du Musée de St.-Romain-en-Gal, c'était tout le processus de fabrication des céramiques antiques qui était montré au public. Tournage, finition, décor, mais aussi 3 fours en action simultanée!
Vue de deux des 4 fours de St.-Romain-en_Gal. Ce sont des fours puits à couverture de tessons.

Invitée surprise, la pluie... Si le samedi fut beau et très chaud, un gros orage en début de soirée nous a provoqué quelques sueurs froides. Mais le pire s'est malheureusement produit le dimanche, une pluie diluvienne et continuelle a obligé les organisateurs à mettre un terme à la manifestation à 14 heures.

Belle réussite tout de même pour tout le monde, le public a été nombreux le samedi, et les cuissons ont été réussies. Et la soirée a été très belle, quelques images pour illustrer cette petite féérie nocturne:
Nuit tombante. Deux fours sont encore en action. à l'arrière, l'installation dans laquelle cuisent les céramiques à revêtement argileux. Il faut monter à plus de 1000 degrés, et la cuisson va se prolonger jusque vers 23 heures. A l'avant, le four à sigillées. C'est un four à rayonnement, le feu étant conduite dans des tubulues de terre cuite de manière à ce qu'il ne soit jamais en contact avec les céramiques.
Faire monter les températures de ces fours à plus de 1000 degrés n'est pas une sinécure. Palabres interminables assurés quant à savoir quelle est la meilleure méthode à appliquer pour gagner quelques degrés.
Echappement des tubulures du four à sigillée. la température atteint son maximum, on approche les 1080 degrés. Les flammes d'échappement virent au bleu...
Finalement c'est après minuit que le four à sigillée sera arrêté, après environ 11 heures de chauffe. Et le longue attente commence. Ce four ayant été complétement remanié, on ne connaît pas son comportement et ce sera la surprise à l'ouverture. Son tirage est vraiment excellent, mais qu'en sera-t-il de la charge?

Le lendemain donc, pluie battante et ouverture des fours. les moins délicats sont ouvert au plus tôt, avant la déluge, au risque de provoquer un peu de casse par chocs thermiques...
La fournée de céramiques à revêtement argileux est bien venue. Brun-rouges et légèrement flammées, ces pièces sont typiques des productions des IIème et IIIème siècles.
A l'ouverture, le four à sigillées montre des pièces légèrement sous-cuites, ce qui est normal pour celles situées tout en haut de la fournée. La température est souvent fortement dégressive dans ce genre d'installation, et il est fréquent de trouver tout en haut des récipients légèrement sous-cuits, alors que tout au fond de l'installation, quelques uns se trouvent fréquemment surcuits.
Ici, en l'occurence, une fissure qui s'est malencontreusement ouverte dans le fond de la chambre de cuisson a provoqué une assez forte surcuisson, mais aussi pénétration de gaz de combustion.
La fournée de sigillées. Les pièces du haut, (à gauche sur le photo) sont parfaites ou presque. Celles du tiers inférieur (à droite) sont bien cuites mais ont subi un peu de réduction et sont brunies à cause de des gaz de combustion entrés par la fissure. Les pièces moulées (en bas sur la photo) sont surcuites et ont subi aussi un peu de réduction. Elles se sont déformées et sont devenues très métallescentes.

Et donc, ce sont des pièces assez fortement déformées et surtout brunies et très métallescentes qui seront extraites des couches les plus profondes. Ce n'est pas un drame, c'est surtout très instructif. C'est paradoxal, mais une fournée parfaite ne nous apprend jamais grand chose. Un grand désastre non plus, d'ailleurs. Mais ce type de résultat, où l'on trouve des pièces parfaites comme des ratées, où l'on tient au moins une cause certaine du problème est très riche d'enseignements.

Vous avez raté cette édition des journées romaines de St.-Romain-en Gal? Rassurez-vous, on remet ça l'année prochaine, toujours à la même date, le premier week-end de juin. Les fours seront réparés ,on refera plein de nouvelles céramiques et on vous présentera de nouvelles fournées. Encore plus belles, bien entendu!

lundi 11 juin 2012

UN FOUR POUR ASNAPIO

Asnapio, c'est un parc archéologique situé à Villeneuve d'Ascq, dans la banlieue sur de Lille. Lieu enchanteur à deux pas de la ville, immense site parsemé de constructions de toutes les époques.

C'est par le portique d'une domus gallo-romaine qu'on y pénètre, et sitôt passées les portes de verre, on se retrouve en pleine nature. les saules, nombreux témoignent de l'eau toute proche, vestige des anciens marais asséchée en cette zone. Tout proches, le parc et les étangs du héron, une des promenades préférées des Lillois en sont les derniers vestiges.
Depuis 20 ans maintenant, le parc Asnapio (nom mérovingien du village d'Annapes) a été doté de maisons et d'installations préhistoriques, maisons néolithiques et de l'âge du Bronze, gauloises ainsi que du haut moyen-âge.
Campement magdalénien et grande maison néolithique
La beauté de la terre et du bois. Entrée d'une maison de clayonnages et de torchis.
Depuis une année maintenant, le par Asnapio, à l'initiative de sa directrice, Marie Ginet, avait un projet de construction d'un four de potier gallo-romain. Le Groupe G.A.U.L, Groupe Archéologique de l'Université de Lille s'était associé au projet, et l'installation devait être inaugurée lors des journées de l'archéologie expérimentale les 19 et 20 mai derniers. 

Mais une telle aventure demande un gros travail en amont. Il a fallu d'abord construire un préau couvert, ce qui était l'affaire d'Asnapio. Il a fallu préparer certains éléments du four et les précuire, notamment la sole et le foyer, afin de simplifier les opérations de construction sur le site. Et aussi de préparer une charge de poteries pour la première cuisson, ce qui a été fait en avril déjà, temps de séchage oblige.
Quelques unes des pièces en cours de séchage
Le choix d'Asnapio était de réaliser un lot de répliques d'époque néolithique pour rééquiper les maisons de cette époque, et aussi de fabriquer une série de pièces gauloises régionales en vue d'animations futures. Virginia Nobre, archéologue des services du patrimoine de Villeneuve d'Ascq s'était chargée de la sélection des pièces préhistoriques, et David Bardel, céramologue de l'INRAP Nord-Pas-de-Calais a recherché les pièces gauloises régionales qui correspondaient le mieux au besoins du Parc.

Et le 17 mai au matin, le chantier démarre. Après l'excavation nécessaire à un enfouissement partiel de l'installation. les premières structures sont montées, soient le foyer et la sole montée sur ses piliers. 
Ensuite le mur d'enceinte de la chambre de chauffe et monté brique par brique, le tout soigneusement jointoyé au torchis.
Ce travail prend une bonne journée et demie. Sitôt l'assemblage terminé, le four est mis en chauffe afin de le sécher le plus possible. Pendant ce temps, le remblai est terminé et les murs de soutènement montés.

Le four en cours de chauffe. Il en reste plus qu'à terminer les remblais et le muret d'appui.
 Et le samedi matin, tout est prêt pour démarres la cuisson. Le groupe GAUL animait plusieurs chantiers et stands, notamment un four à sel, un atelier de moulage de tuiles, et une présentation d'une nécropole, et les animateurs du parc animaient un chantier de fouilles, ainsi qu'une initiation au mode de construction par clayonnage et enduit de torchis. 

Dès l'ouverture de la journée, réservée aux professeurs et étudiants de l'Université Lille 3. le four est chargé et mis en chauffe.
Fin du chargement du four. Les premières assiettes de protection sont posées, et une couche de tuileaux et de tessons formera le bouclier thermique assurant la bonne rétention de la chaleur.
la cuisson durera une dizaine d'heures,jusqu'à atteindre une température de 900 degrés environ.
Au maximum de sa puissance, le four dégage souvent une fumée noire.
La cuisson se termine vers 19 heures. L'objectif étant de réaliser un lot de céramiques noires, il faut soigneusement sceller le four. Ce n'est pas si simple et une bonne quantité de cendres et de torchis sont nécessaires pour mener à bien l'opération. 
A colmater le four au torchis...
Opération passablement poussiéreuse et enfumée, mais l'avantage des cendres est une excellente isolation thermique, ce qui notamment évite les brûlures aux mains. 900 degrés, ce n'est pas rien, et pourtant les cendres sont à peine tièdes en surface...
Et on laisse reposer le tout jusqu'au lendemain après-midi. 
 la procédure de défournement démarre à 13 heures par la vidange des charbons restant dans le foyer. Une brouette entière, encore incandescents en seront extraits et servirons à redémarrer le four à sel. Rien ne se perd!. Puis à 15 heures, on peut décoller la couche de torchis, puis enlever cendres et tessons de couverture. C'est encore très chaud et surtout très poussiéreux, mais quel bonheur d'extraire toutes ces céramiques!
Malgré leur aspect grisâtre dû à l'éparpillement des cendres elles sont presque toutes parfaitement noires. Et, fait plutôt rare, aucune ne s'est brisée à la cuisson. 
Les pièces extraites du four, encore couvertes de cendres...

Deux pièces néolithiques et une jatte gauloise...
Belle réussite donc. Et ce n'était pas donné. Une telle cuisson dans un four neuf dont on ne connaît pas les traits de caractère propres à chacune de ces installations, et aussi le chêne et le saule des marais du Nord, combustibles qui n'ont rien de semblable aux épicéas helvètes rendent une telle cuisson assez hasardeuse.
Dix heures de cuisson, c'est très court pour qu'un four puisse apprivoiser ses potiers...

Tous mes remerciements vont à l'équipe des guides d'Asnapio, notamment Mathieu, qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour m'aider dans ce travail.Un grand Merci aussi à Maxence Flament, étudiant en Master en archéologie à Lille 3, membre du groupe G.A.U.L. et futur céramologue, qui m'a assisté durant 3 jours et n'a pas hésité à mettre les mains dans le torchis et la tête dans les fumées du four!
Et enfin, je ne saurais oublier l'équipe administrative d'Asnapio, Marie Ginet, Anaïs Roma, Sandrine Tessier et aussi Virginia Nobre des services culturels de Villeneuve d'Ascq que je remercie toutes pour la parfaite préparation de l'opération et surtout pour la chaleur de leur accueil.

Je reviendrai à Asnapio, c'est certain!

Lien vers le site Web Asnapio: 

jeudi 3 mai 2012

Les Grands jeux Romains de Nîmes, côté coulisses

C'étaient les 28 et 29 avril derniers, c'étaient les Grands jeux Romaine de Nîmes. Grandiose manifestation historique dont le thème cette année était : "la Guerre de Troie" décliné sur le mode des grands spectacles donnés lors des grandes fêtes romaines. L'usage était alors de retracer un grand évènement historique ou mythologique en représentant ses grandes étapes par des défilés, des combats et des batailles, des pantomimes, des chants et de la musique. Défi relevé avec brio par l'agence Culturespaces, chargée de l'animation des sites historiques de la Ville de Nîmes.
Avec plus de 400 figurants, le spectacle a enchanté le public venu nombreux pour y assister. Nous n'allons pas ici illustrer le spectacle lui-même, d'autres, et ils sont nombreux s'en sont chargés. les photos et les vidéos se trouvent déjà en grand nombre sur la toile. C'est à l'arrière des arènes dans la rue des artisans, et dans les coulisses, dans la pénombre des arcades où se préparaient les figurants que nous irons nous balader.

Lieu tout à fait hors du temps où tout un petit monde se costume avant de se rassembler pour entrer dans les arènes par un long couloir voûté qui répercute les clameurs de cet extraordinaire public nîmois.
Cavaliers gaulois de la troupe des Ambiani attendant leur entrée en lice...
Cliquetis d'armes, claquement de sabots, centurions beuglant des ordres de rassemblement cent fois répétés par l'écho des voûtes, relents de sueur et de crottin, ces arcades et les sombres couloirs voûtés qui mènent à l'arène sont des lieux étranges et fascinants qui ont catapulté tout ce petit monde dans le tourbillon de l'histoire.
Cavalier romain contrôlant une dernière fois son harnachement. Pour les parades, il était de coutume que ces hommes évoluent masqués de bronze ou d'argent.
Les différents tableaux du spectacle se succèdent rapidement. Simulacres de batailles, démonstrations de cavalerie, combats de gladiateurs, exhibition de prisonniers et de butin de guerre...
Farouche prisonnier picte ( Gildas de la troupe des Ambiani) conduit par un légionnaire. Dernier voyage?
Les grands moments de ce spectacle sont toujours précédés d'une musique aux instruments à vent. c'est un rituel important qui scande ces étapes des jeux.
Pascal Minne, le sonneur de cornu (Gallia Musica, ensemble Aeneatores) très zen comme toujours, attend son prochain tour...
Mais le spectacle se passe aussi à l'extérieur, à l'arrière des Arènes où se tient le marché des artisans et où les troupes se préparent aux défilés...








Les porte-enseignes de légions attendant le défilé... Belles "trognae" burinées par le soleil et la poussière de toutes les routes de l'Empire...
Le marché des artisans. On y travaille le verre et le métal, le cuir, le pierre et la terre...
Un artisan gaulois au travail...
Très belles photos de Véronique Cornuault
A lancer le tour au bâton...
Centrage de la balle d'argile...
En toute discrétion, elle est passée. Elle n'est pas professionnelle, elle est photographe par passion. Elle a su saisir l'instant magique. Une image exceptionnelle. 17 ans de pratique du tournage résumés dans cette image...

Pour voir le set complet de photos, lien vers la page "Artisans" de Véronique:
 https://www.facebook.com/media/set/?set=a.250400771658990.68923.207701842595550&type=3

Lien vers la page de Véronique Cornuault sur Facebook:
https://www.facebook.com/pages/Photos-vero-Ninou-chkaya/207701842595550

Un très grand merci à Véronique!

Et un grand merci aussi à cet exceptionnel public nîmois! Nous reviendrons l'année prochaine, c'est certain!

Autres liens:
Les Ambiani, troupe gauloise d'archéologie vIvante: http://www.les-ambiani.com/site.php
Gallia Musica, évocation de la musique antique: http://www.galliamusica.com/
Culturespaces, organisateur des Grands Jeux et gérant du site:  http://www.culturespaces.com/fr/home

dimanche 26 février 2012

Cuissons d'hiver, acte II. Une nouvelle cuisson réductrice.

La fournée précédente était une belle réussite, il ne fallait donc pas s'arrêter en si bon chemin. De plus, le temps était nettement plus doux et en plus on s'impatiente toujours outre-Jura et au-delà de la Sarine...

Je vous passerai donc l'étape du chargement du four, petit exercice d’équilibrisme qui consiste à édifier des piles de céramiques crues dans une chambre de cuisson devenue quelque peu bancale au fil des années. Peu photogénique et donc assez fastidieux à suivre. Fastidieux aussi parfois pour le potier qui doit constamment prendre garde aux risques de basculement de ces piles de récipients encore fragiles. Et faire de la casse à l'enfournement, parmi les petites misères des potiers, c'est bien là une des plus rageantes...

On prend donc le fil des évènements au moment de la réduction. le pic de température étant atteint, la cheminée est refermée et les gaz de combustion se réenflamment lors de leur passage au travers des fissures.
 Dès ce moment le travail se fait "à l'aveugle". Impossible de voir ce qui se passe dans le four. Il faut estimer la baisse des températures. Et comme je suis un intégriste, je travaille sans thermomètre...

























On peut tenter cette évaluation par l'observation des flammes d'échappement,mais c'est aléatoire. la formation de suies dans le foyer est un meilleur indicateur pour déterminer le moment de l'enfumage.
En attendant, de bois poisseux et un peu humide active le processus.
 De temps à autres, il faut touiller les braises et les étaler. Attention aux retours de flamme! Ce sont des moments où il fait rarement froid devant le foyer...
Ensuite vient le bourrage du foyer aux écorces humides, puis on obture le tout. Et on attend. Deux jours au moins, comme toujours. Il faut beaucoup attendre dans le métier de potier. Attendre que les pièces sèchent, que le four chauffe, puis qu'il refroidisse. Peu indiqué pour les impatients, comme activité...

Trois jours après, défournement. L'ouverture de la porte est toujours un moment où  les petites angoisse de la fin de la cuisson refont surface. Si il existe une question qui a torturé les potiers de tous les temps, c'est bien celle de prendre la décision de terminer une cuisson. Comment être sûr d'avoir atteint la bonne température? A-t-on tenu le palier final suffisamment longtemps? L'enfumage a-t-il été démarré au bon moment?
Mais maintenant la procédure est bien rodée, et malgré le caractère assez aléatoire de ce genre de cuissons, les ratés de grande envergure sont devenus rares.


 La fournée est réussie, et comme la dernière fois, ce sont essentiellement des gobelets gaulois qui se trouvent devant l'ouverture. Ce sont les plus délicats à empiler avec leurs pieds parfois très étroits.

 Parmi les premiers à être extraits, ce gobelet balustre typique de la première moitié du Ier siècle avant notre ère. Curieusement, c'est une forme que l'on va trouver dans des lieux très éloignés les uns des autres, comme Manching en Bavière, Bourges, ou encore le Mont Vully en Suisse.
Il est devenu parfaitement noir à la cuisson, et le reflet du ciel bleu luis fait prendre une teinte "aile de corbeau" à la prise de vue.










 Un peu plus loin dans le four, toujours quelques gobelets, mais aussi des pichets mérovingiens réalisés par Eric Angehrn: ceramed-poterie.blogspot.com

Vaisselle de légionnaires

Et comme la dernière fois, un lot de pièces pour Alesia. Aujourd'hui, un lot de gobelets, bols et écuelles réalisés d'après les tessons issus des fouilles des campements de la Plaine des Laumes, dans la région des grandes fortifications édifiées par César:

 Ce qui frappe d'emblée, c'est aussi de la vaisselle noire! Comme celle des Gaulois. En fait c'est bien de la vaisselle gauloise, fabriquée par des Gaulois, mais que les Romains ont achetée lors de leurs périples an Gaule lors de cette guerre qui dura 6 ans. César n'a pratiquement jamais été en guerre contre toutes les tribus Gauloises, et cela lui a permis de s'approvisionner auprès des ses alliés du moment, que ce soit en nourriture ou en fourrage pour les bêtes, ou en ustensiles du quotidien. Tout au plus, en ce qui concerne cette vaisselle, les Romains la commandaient selon leurs modèles.
Mais au moment su siège d'Alesia, pratiquement toutes les tribus s'étaient révoltées, et probablement ces vases avaient été achetés ailleurs quelques temps auparavant. Constellées de paillettes de mica, ces pièces pourraient bien venir d'Auvergne, par exemple.

Et enfin, pour en savoir plus sur Alesia, une excellent article de Mireille Descombes dans l'Hebdo de cette semaine:
 Vous le trouverez ici, en texte intégral: http://www.hebdo.ch/la_revanche_des_gaulois_149227_.html
 Mais pour obtenir les illustrations, il faudra acheter le journal en version papier. il restera encore quelques jours en kiosque...
En plus de l'histoire de la bataille et du site, vous y trouverez une interview de Bernard Tschumi, concepteur et architecte du nouveau Centre d'interprétation: Un bâtiment d'exception pour un site exceptionnel!

Le Centre d'Interprétation tel que vous le verrez dès le 26 mars (Photo C Bernard Tschumi Architectes à Lausanne et C www.alesia.com)
Site Web Alesia:  http://www.alesia.com/
Nb. Pour nos amis Français, l'Hebdo est un magazine romand d'actualités aussi bien mondiales que suisses. C'est un journal de débats et d'opinions, qui pourrait peut-être se situer entre le Nouvel Obs', l'Express et Marianne.

Et enfin pour terminer, une vue sur le lot complet issu de cette fournée:



Et déjà la cuisson suivante est en préparation.
Ce sera très différent, dans le style mais aussi dans la technique.
A tout bientôt donc, ô honorable visiteur!



dimanche 19 février 2012

Cuissons d'hiver: Une fournée réductrice.

C'était mercredi dernier, le 15 février. Un temps à ne pas mettre un potier dehors? Allons donc! Il suffit de s'habiller un peu plus chaudement et de prendre les quelques petites précautions d'usage dans ce genre de situations. Quelques vénérables institutions, le Muséoparc d'Alesia ou les Contubernia de Vindonissa, et des associations, comme Gladius Scutumque attendent leurs pièces et il n'est plus temps de mégoter.
Et en plus, même si la météo s'est considérablement radoucie après une période de gel sévère, il neigeait par intermittence ce jour-là. Et faire une cuisson sous la neige, c'est un petit bonheur que le froid ne pourra jamais dissiper!

 On dit parfois que les potiers antiques ne cuisaient jamais en hiver, et c'est probablement exact. mais, contrairement à ce que l'on peut penser, ce n'est pas une question de cuisson, mais plutôt de stockage des pièces crues dans des locaux sans chauffage. Que ces céramiques soient encore un peu humides et qu'un coup de gel survienne et ce sera la catastrophe, les argiles crues ne résistant pas du tout à la pression du givre qui se forme à l'intérieur des parois. Par accident cela m'est arrivé une fois et peu de pièces ont survécu à cette mésaventure. Par contre démarrer une cuisson par des températures en dessous de zéro degré ne pose pas de problème. Il suffit préalablement de chauffer légèrement le four pour éviter un petit coup de gel insidieux lors de l'enfournement et le tour est joué. Après, monter à 850 ou 900 degrés ne pose aucun problème. Cela ne représente que 20 degrés de différence au point de départ et c'est vraiment peu de choses...

Donc, il a fallu préchauffer, et accessoirement dégivrer le four le jour précédent, et le matin de ce mercredi 15 février on enfourne! par chance il ne neige pratiquement pas à ce moment, donc pas de risque de mouiller ou de tacher les céramiques crues.

 Comme il s'agit d'une cuisson réductrice avec enfumage, toutes les pièces, des répliques de céramiques fines et culinaires gauloises et gallo-romaines sont empilées sur des séparateurs, des "pernettes" dites aussi "pattes de coq". Ainsi on évite les points de contact qui laisseraient des zones plus claires qui peuvent être disgracieuses. A l'état cru, ces récipients sont gris clairs, rosés ou rougeâtres selon les types d'argiles utilisés.
Une fois rempli, le four est refermé, on obture la porte de chargement par des briques et on jointoie le tout au torchis afin que l'ait atmosphérique ne parvienne plus du tout à pénétrer dans la chambre de cuisson.
Le petit feu est lancé vers 10 heures, et on chauffe prudemment. Le four est un peu humide et il faut prendre le temps de faire un "effumage" correct, c'est à dire éliminer toute l'humidité résiduelle dans les céramiques et bien sûr sécher correctement le four. l'opération prend 4 bonnes heures, et dès 14 heures environ on peut démarrer progressivement le grand feu, qui dure à peu près 5 heures. Comme toujours je contrôle mes températures à la couleur du feu, sans pyromètre. Lorsque les céramiques auront atteint le rouge cerise, la température sera bonne pour attaquer la réduction. La cheminée du four est alors obturée, et de l'épicée sec, je passe à une variante plus poisseuse qui absorbera plus d'oxygéner pour brûler correctement et ainsi assurera une bonne réduction
Pendant la réduction, les gaz se réenflamment lors de leur passage par les fissures de la cheminée. Tant que cette flamme subsiste, c'est signe d'un bon processus réducteur..
Dès que la suie commence à se former dans le foyer, la cheminée du four est scellée, le foyer bourré d'écorces et également obturé afin d'empêcher toute pénétration d'air atmosphérique qui empêcherait le processus d'enfumage. Et la longue attente commence. le processus d'enfumage dure 36 heures au moins et il faudra donc attendre le surlendemain pour découvrir le résultat...

Et, faute de temps ce n'est finalement que le samedi que j'ouvrirai le four. Les écorces se consumaient toujours lentement, un peu de braise ardente subsistait toujours dans le foyer, ce qui est presque toujours le signe d'une fournée réussie.

 A l'ouverture de la porte, toutes les pièces sont parfaitement noires, sauf quelques unes qui ne devaient pas l'être, on verra plus tard pourquoi.

 Un bol cannelé gaulois parfaitement venu à la cuisson. Plus que noir, il est presque "aile de corbeau". Destiné au futur Centre d'Interprétation du Muséoparc d'Alesia, c'est la réplique d'une des rares pièces gauloises découvertes sur le site. La construction de la ville romaine peu après la bataille a complétement bouleversé le terrain et les tessons que l'on peut maintenant y trouver dépassent rarement quelques centimètres carrés.
Pour découvrir ce que sera le nouveau Centre d'Interprétation d'Alésia:
 http://www.alesia.com/
Ouverture le 26 mars! Ce sera LE site à visiter cette année! Qu'on se le dise!

 Autre bol gaulois d'Alesia issu de fouilles plus récentes. Il était tellement fragmenté que pour restituer son profil complet il a fallu travailler par comparaison avec des récipients similaires découvertes dans les sites de la région.
 Réplique d'un gobelet découvert sur l'oppidum de Bibracte. C'est un récipient emblématique de ce lieu quasi mythique. Ces pièces sont telles qu'elles sortent du four. Elles ne sont jamais recouvertes de cendre. Tout au plus une fine couche de suite peut s'être déposée sur leur surface, on peut le voir à l'état des mains du potier...

 Toute autre est cette vaisselle. Bien que les prises de vie aient été effectuées dans d'autres conditions, elles sont réellement grises et noires. Il s'agit de répliques de pièces gallo-romaines de l'atelier de la Rue St.-Jacques à Paris. Pour les réaliser, il a fallu choisir une argile qui refuse l'enfumage. Les terres deviennent grises par effet de réduction, mais il est pratiquement impossible de les imprégner de carbone. Au mieux, elles deviennent gris foncé comme celles-ci.
 Une jatte tripode de la Rue St.-Jacques. l'extérieur est gris, mais l'intérieur est noir brillant. Pour obtenir cet effet, on dépose au pinceau un engobe ferrugineux qui prend bien la réduction ET l'enfumage. L'effet brillant résulte d'une technique de dépose au pinceau, sans qu'un polissage soit nécessaire. Mais, avis aux amateurs, ce n'est vraiment pas facile à réaliser.
Et comme sur les originaux, on déborde quelque peu sur la panse externe...


 Et enfin, une bonne partie de cette fournée était constituée d'une grosse série de plats a feu pour le Legionärspfad de Vindonissa. En argile grossière, ils sont devenus aussi un peu bleutés par le force de l'enfumage. Ils permettent de frire légumes ou boulettes de viande directement sur les braises ou le gril. Deux baraquements, logements d'une centurie de légionnaires ainsi que de leur centurion ont maintenant été reconstruits à l'identique des bâtiments d'époque, et on peut y passer ses vacances ou un week-end hors du commun.
Présentation du camp légionnaire de Vindonissa sur le site d'Armae:
 http://www.armae.com/blog/les-baraquements-legionnaires-de-vindonissa.html
 Présentation du Legionärspfad Vindonissa sur le site du Canton d'Argovie. (en allemand et...assez spartiate...): http://www.ag.ch/legionaerspfad/de/pub/index.php

Première fournée de l'année réussie, et c'est toujours encourageant. Pas de casse, c'est assez rare. Des fournées telles que celle-ci, il y en aura d'autres. l'année promet d'être bien remplies, ces pages le seront aussi!
A tout bientôt donc, ô Honorable Visiteur!