mercredi 27 août 2014

Panorama céramique de Morat

KERAMIKPANORAMA MURTEN
PANORAMA CERAMIQUE DE MORAT
LES ARTS DU FEU SANS FRONTIERES

Les bords du Lac de Morat se transforment en un lieu de rencontre unique autour de l'art de la céramique contemporaine. Sculpture, design, histoire de la céramique, objets utilitaires, 80 céramistes de 15 pays différents présenteront leur oeuvres les
samedi 6 et dimanche 7 septembre prochains. 
Une diversité sans limites qui constitue l'âme du Panorama Céramique!
Le rendez-vous des arts du feu!
Nathalie Jover (France)
Walli Keppner ( Suisse)
Amateurs d'art ou passionnés de céramique, venez à la rencontre de ces créateurs sur les rives du Lac de Morat, ou encore dans les galeries de la vieille ville. 
le Panorama Céramique vous souhaite la bienvenue! 
Devinez...
 Vous pourrez me retrouver au stand No 52. Le plan se télécharge facilement sur le site de la manifestation à ce lien. Vous y trouverez également un aperçu de la production de tous les participants

Au plaisir de vous retrouver à Morat!

mardi 29 juillet 2014

Une cuisson d'amphores.



Lors d'un précédent article sur la fabrication des amphores gréco-italiques, nous en étions restés au stockage sur leur lieu de séchage. 
Elles ont attendu longtemps. Trouver trois jours de météo stable, sans orages ou grands vents n'a pas été simple cette année. Le grand four, dépourvu de toiture permanente est exposé à toutes les vicissitudes météorologiques possibles, mais se sont surtout les coups de vent qui sont dangereux. 

Cuire des amphores dans un four à bois n'est pas si simple, et que ce soit dans une réplique de four antique complique encore un peu les choses. La couverture de ce genre d'installations, (le couvercle de la casserole, en quelque sorte) faite de tuiles et de tessons est un peu incertaine. Qu'une seule plaque se casse en cours de cuisson, et il faudra réparer à chaud... Et qu'elle cède en cours de refroidissement ce qui est beaucoup plus rare, et c'est la catastrophe. Dans les deux cas, un gros puits de tirage se créera, et les chocs thermiques seront assurés. Il faut l'éviter à tout prix.
Les amphores prêtes à être chargées: 5 Dressel 1b quadrantales de 115 cm. , une bâtarde de 95 cm, et 2 gréco-italiques de 90 cm. Du beau monde...

Charger un four à amphores, c'est comme la fabrication, c'est assez sportif. L'enfournement doit se faire à deux ou trois personnes. L'une d'entre-elles me passe les pièces alors que je me trouve à l'intérieur du four, l'autre les maintient afin qu'elles ne basculent pas. Les plus grandes pièces pèsent environ 25 kg. , et pas question de les saisir par les anses qui ne résisteraient pas à une telle charge... Et donc pas le temps de prendre des images, trop préoccupés que nos sommes à éviter la casse. 
La charge est déjà recouverte d'une partie de ses tuileaux et le feu allumé. Nous sommes encore en préchauffage très doux.

Une fois le four chargé, il faut organiser la couverture. Les tuiles anciennes moulées à la main conviennent bien, il faut juste vérifier qu'elles ne soient pas fêlées. Les tuiles modernes fabriquées à la presse ne conviennent pas, l'argile trop fine et trop grasse éclatant très facilement en seconde cuisson. Parce que là est le problème. Ces tuiles seront soumises à la chaleur du four et donc partiellement ou totalement recuites. On peut éviter les tensions en rajoutant des tessons par-dessus cette première couverture. Cela permet aussi d'obturer les espaces trop importants qui généreraient trop de tirage. Avoir un bon tirage, c'est bien, mais trop conduit à une chauffe plutôt brutale et augmente donc des risques de casse, aussi bien des amphores que de la couverture. Et on n'oublie pas d'aménager un petit regard offrant un bon point de vue en profondeur. C'est cela qui permettra de jauger à l'oeil les températures de cuisson. 
C'est parti pour le grand feu! L'avant du four a été complétement reconstruit après un effondrement du aux intempéries... Avec une voûte en plein cintre et un arc de décharge, ça devrait tenir...
 
Vue par le regard ouvert: la couleur d'incandescence atteint progressivement le rouge orangé. Certains diront rouge cerise clair... D'autres rouge cerise clair tendant vers l'orangé...Théoriquement, je recherche une température de 950 à 980 degrés, et après c'est une question d'appréciation des couleurs, l'essentiel étant que ce soit correctement cuit... Sur cette vue, c'est presque bon. On ralentit un peu le feu pour égaliser les températures et réduire la différence entre le fond du four et sa partie supérieure, moins chaude.


 

Une demi-heure plus tard, je commence à recouvrir les tessons de cendres pour couper presque complètement le tirage, et simultanément je laisse le feu se calmer. Au final, un petit coup de réduction améliorera la résistance mécanique de la terre cuite. L'important est surtout de ralentir le plus possible le refroidissement. L'entrée du foyer est donc également obturée.




 
 















Le surlendemain, le four est encore très chaud, ce qui est un bon signe. Très progressivement, je commence à dégager la cendre et à retirer quelques tessons de couverture. Trois jours que je me ronge les ongles, je ne vais plus tarder à être fixé...
La couverture encore recouverte de cendres
 
Une petite vue de l'intérieur de l'installation avec encore une partie de sa couverture
Le chargement dégagé de sa couverture. Pas de fissures visibles, couleur allant du rouge brique au brun-rouge, tout a l'air parfait. Les températures peuvent avoir passé les 1000 degrés localement sans que l'influence soit importante sur la solidité de l'ensemble.


Débarrassées de leurs rallonges de col et autres cales de cuisson ou de couverture, nos amphores sont maintenant bien visibles. Que du bonheur! 

Et le chargement sorti du four. Une seule pièce présente une petite fissure, due à une erreur de tournage, un joint de raccord ayant été un peu "forcé"
Mais l'essentiel est surtout qu'il n'y a aucune casse due à la cuisson. Enorme soulagement. Lors des fournées précédentes j’avais eu une casse importante, mais aussi des conditions météo difficiles et mal maîtrisées. Cette cuisson pour moi représente un pas important, une sortie de la zone d'incertitude. Il aura fallu la casse d'une dizaine de pièces pour y parvenir. C'est une loi incontournable, il faut apprendre de ses erreurs...
Quelle belle fournée! Vivement la prochaine!


 Cette cuisson a été réalisée le 17 juillet dernier. Environ 40 kg de branches de hêtre et de frêne, puis 100 kg de résineux, épicéas et sapins douglas ont été nécessaires. La charge représentait une masse de 170 à 180 kg, plus une vingtaine de kilos de cales. Température environ 950 degrés, atteinte après un préchauffage de 4 heures puis 5 heures de grand feu.

mardi 27 mai 2014

Une cuisson en fosse à l'archéosite d'Ardèche

C'était le 1er mai dernier, à Randa Ardesca, le futur Archéosite d'Ardèche qui ouvrira tout bientôt ses portes. (www.randa-ardesca.com).
Afin d'optimiser le savoir.faire des animateurs du site, deux stages de perfectionnement à la céramique préhistorique et antique étaient prévus en ce début d'année. La première partie a été consacrée aux méthodes de fabrication, modelage, tournage et techniques hybrides. Le site de Randa Ardesca y consacre un article ici.
Lors de la seconde session, la cuisson d'un lot de céramiques préhistoriques modelées en mars était au programme. Il s'agissait de réaliser une cuisson en fosse ouverte, également dite en aire. Ce mode de faire est encore pratiqué en Afrique. Bien que les traces laissées par ce genre d'opération soient très fugaces, cette technique a été reconnue en Italie notamment pour la période néolithique.
On pratique une légère excavation, dont le remblai sert de paroi. Les céramiques y sont déposées en son centre. On veillera à pratiquer uen aire suffisamment large pour pouvoir préparer un feu de départ qui ne soit dans un premier temps pas en contact direct avec les vases mis à cuire.
Le feu est allumé progressivement jusqu'à ce qu'il forme un anneau autour du tas de céramiques. De simples déchets de taille de haies  et broussailles peuvent parfaitement convenir à ce type de cuisson. Guillaume et Benjamin, co-administrateurs du site suivent attentivement la progression du feu.
La montée en puissance du feu doit être progressive. Trop rapide, elle risquerait de provoquer l'éclatement des pièces les plus exposées.
Puis, progressivement, on referme le foyer sur les vases, un peu comme une corbeille que l'on monte à l'envers.
A la fin, la fournaise devient terrible, l'impact thermique est énorme, et les pièces cuisent très rapidement.
 Laissées dans le feu mourant, les céramiques redeviendraient claires par oxydation de leur surface. Tout l'art de ce genre d'opération réside en une imprégnation de carbone par contact pour les noircir. On retire donc à l'aide de longs bâtons les céramiques encore brûlantes du feu, et on les plonge dans un hachis végétal, Sciure, balle de céréales, herbe finement coupée, paille, tout peut faire l'affaire. On pourrait aussi les rouler dans l'herbe fraîche. L'effet serait toutefois moins puissant
Ainsi imprégnées, les pièces deviennent noires. Une sorte de raku préhistorique, en quelque sorte.
les vases qui restent dans la cendre s'éclaircissent progressivement. Leur couleur finale dépend à la fois des argiles utilisées et des combustibles. Ici, on est plutôt dans le gris clair, ce qui est plutôt rare.
Un beau "tableau de chasse"!. Aucune casse à déplorer, ce qui n'est guère courant. Ces cuissons sont brutales, et les argiles doivent être très résistantes pour les supporter sans dommage. On a ici un échantillonnage de pièces du néolithique et des âges du bronze ardéchois. Au premier plan, une trompe du Bronze final faite par Benjamin Margotton, notre luthier préféré, qui pour une fois a troqué le bois contre l'argile. Avec un certain bonheur, visiblement!



lundi 26 mai 2014

Un askos daunien à décor de bandeaux



Les cultures de l’Italie d’avant les Romains sont d’une richesse insoupçonnée. Ces curieux récipients au nom imprononçable et d’origine paraissant tout à fait improbable en sont une expression parmi des milliers d’autres. Brièvement, voyons de quoi il en ressort:
Un askos est une cruche asymétrique de tradition grecque, à une ou deux embouchures latérales.  C’est une forme très ancienne quoique peu connue, dont l’origine remonte aux âges du bronze, et qui a évolué avec le temps. A l’origine l’askos peut avoir soit une forme animale, ou encore évoquer la forme d’une outre. Sous cette forme sphérique ou ovoïde à embouchure latérale, elle disparaîtra avec l’arrivée de la culture latine.

Précisons encore que le terme « askos » (outre) est moderne. On ne connaît pas le nom donné dans les langues anciennes à ce type de récipient.
L'askos qui a servi de modèle. Collection F. E., Genève. Photo issue de:
L'Art des peuples italiques : 3000 à 300 avant J.-C. Ed. Musée d'Art et d'Histoire de Genève - Société Hellas et Roma
Et les Dauniens ? Qui sont-ils ? Peu connus, c’est un peuple d’Italie méridionale dont le territoire est à situer dans les Pouilles actuelles, dans la région de Foggia. Leur histoire est mal connue et se confond parfois avec celle de leurs voisins Samnites souvent en conflit avec Rome. On sait qu’ils apparaissent vers le VIIIème siècle avant notre ère et bien qu’intégrés à la Grande Grèce et assurant des contacts avec les populations voisines, conserveront une riche culture particulière indépendante.

Les askoi ici illustrés en sont un des reflets, et tant les formes que les décors sont tout à fait typiques de l’expression artistique daunienne. Il s’agit là de pièces témoignant du troisième style subgéométrique. Les pièces plus anciennes, elles aussi décorées de bandeaux peints, portent moins de détails, les premières étant simplement décorées de bandes colorés, sans cette multitude de petits motifs et détails qui font le charme de ces pièces de troisième style. 
Une pièce de l'ancienne collection Heinz Weisz, Genève. Très proche de la précédente par son exécution, certains détails laissent à penser que si elle est issue du même atelier, elle a probablement été réalisée par le même peintre. (Exposition "L'art premier des Iapyges, Musée d'Art et d'Histoire Genève, 2002)
La production de ces cruches est à situer entre 350 et 300 avant notre ère, notamment à Canosa, une ville importante où un atelier a été identifié. A ce moment, cette ville, comme toutes les Pouilles et l'essentiel de l'Italie méridionale sont  donc encore partie prenante de la Grande Grèce. Les Romains conquirent la région au cours de la guerre contre les Samnites et contre Pyrrhus entre les IVème et IIIème siècles av. J.-C. La conquête par les Romains de toutes les villes de Pouilles se termina en 260 av. J.-C.  Le rouleau compresseur de la culture latine et romaine entraîna rapidement le déclin, puis la disparition par absorption de la culture daunienne.
Un autre exemplaire à nouveau de style très proche.
Metropolitan Museum of Art in New York City, New York. Photo © Mary Harrsch
Ce dernier exemplaire du British Museum porte un décor plus simple, mais est aussi de plus petite taille.  Photo www.britishmuseum.org, droits limités.
Précisons-le d'emblée, réaliser de telles pièces n'est pas simple. Elles sont entièrement modelées, mais hors de question de travailler aux colombins. Bien que cela soit techniquement possible, cela prend énormément de temps, et le fond rond de ces pièces rend l'opération plus que périlleuse. Il est plus pratique de mouler deux coques hémisphériques, de les coller ensemble et de découper après coup l'ouverture du col. Suffisamment grande, on pourra y passer la main pour parfaire le joint d'assemblage, puis on pourra monter le col et l'anse. Un gros travail de battage est nécessaire pour corriger les imperfections et parfaire les formes. L'argile utilisée est une terre très claire chamottée. Un polissage aux galets est donc nécessaire. 
Ensuite, le corps est entièrement engobé rose pâle, puis le décor est peint. la couleur est obtenue par une argile enrichie au manganèse, le "braunstein" connu depuis la préhistoire et donnant des tons bruns-violacés.  

 

Mieux vaut être assez zen avant d'entreprendre un tel décor. Une tache ne pardonne pas sur un engobe clair. On peut toujours la recouvrir d'un petit motif supplémentaire si elle n'est pas trop importante...
Dernier détail: quasi impossible de travailler au pinceau... la réserve de barbotine n'est pas assez importante et on doit faire des raccords tous les deux centimètres. Et il y a près de dix mètres de filets... Impossible aussi de travailler à la pipette, le mélange est trop liquide. Il a fallu trouver une autre méthode...
Je vous raconterai tout ça un jour...

mardi 15 avril 2014

Fabriquer une amphore gréco-italique.

Avant d'attaquer les chapitres techniques, il convient de faire une petite présentation. Qu'est-ce qu'une amphore gréco-italique?
Son nom dit clairement son origine: Grèce, et surtout Italie, notamment la Côte tyrrhénienne. Mais aussi la Sicile, et peut-être d'autres régions encore. Les débuts de sa production sont à situer vers 350 av. J.-C. à une époque ou l'essentiel de l'Italie méridionale était encore la Grande Grèce. ce n'est que vers 280 à 270 que le la plupart des cités grecques d'Italie méridionale rentreront dans l'alliance romaine.
Les dernières cités indépendantes ne tarderont pas à suivre le mouvement, de gré ou de force. Tarente tombe en -272 lors de la guerre de Pyrrhus, puis avec Syracuse prend parti pour Carthage lors de la seconde guerre punique. Ces deux villes tombent en -211 après un siège de trois ans. C'en est fini de la Grande Grèce, l'Italie est désormais romaine...
D'où donc cette appellation de "gréco-italique" pour ces types d' amphores. Eh, oui ces types, parce qu'il y en a plusieurs... 250 ans de production, c'est long, et tous les types de céramiques évoluent. Les modes changent, les techniques aussi.
L'amphore gréco-italique est dérivée d'une forme étrusque très trapue, dont les premiers exemplaire produits vers 350 av. J.-C vont s'inspirer. Elle s'effile au cours des années pour aboutir à une forme beaucoup plus élancée.
il s'agit en fait d'une évolution continue qui aboutit aux amphores tardo-républicaines de type "Dressel 1" que l'on trouve en grand nombre notamment dans les Gaules, comme ce bel échantillonnage ci-dessous, exposé au Musée des Antiques Saint-Raymond de Toulouse:
Evolution des formes d'amphores vinaires entre -200 et -50. De gauche à droite, d'abord la « Gréco-italique LW-E », assez trapue, aux formes assez douces et munie d'une lèvre triangulaire. Ce type se fabrique vers 200 à 150 avant notre ère. Il évolue ensuite, c'est le deuxième exemplaire depuis la gauche, vers une forme plus élancée, la "Dressel 1a" à épaule arrondie et comportant toujours la lèvre triangulaire. Ce type apparaît vers -135. L'évolution est ensuite plus rapide, les épaules deviennent très angulaires et marquées, et une large lèvre en bandeau apparaît. C'est la "Dressel 1b" qui fut exportée par millions dans les Gaules durant tout Ier siècle avant notre ère. Ensuite, les deux derniers exemplaires, un peu plus précoces et un peu moins répandus (-125 à -75), sont des Dressel 1c aux anses convexes et légèrement moins élancées que la précédente. Une sorte de moyen terme entre la 1a et la 1b.
La forme de ces récipients de transport, on le remarque, évolue continuellement avec le temps. Comment en interpréter les raisons?
Il ne s'agit assurément pas principalement de questions esthétiques, même si encore aujourd'hui le vin nous paraît meilleur si la bouteille ou son étiquette sont plaisants. A mon sens, bien qu'il semble qu'aucune étude approfondie n'ait été menée dans ce sens, il faut y voir une adaptation à l'évolution des coques de bateaux de transport maritime. L'exportation du vin, principalement vers les Gaules, prendra des proportions gigantesques au cours du temps pour atteindre son apogée vers le milieu du Ier siècle avant notre ère, aux temps de la Guerre des Gaules. des navires de plus en plus gros pourront transporter des milliers de pièces. L'épave de la Madrague de Gien, par exemple, en contenait un peu plus de 6000! Une charge de 350 tonnes pour un navire de 40 mètres de long, 9 de large et un tirant d'eau d'environ 4m. 50. Le calage du chargement sur trois couches était essentiel pour éviter la casse. Qu'une seule amphore se brise et tout un secteur de la charge était déstabilisé et on risquait le pire!. Adapter la formes de ces amphores à la forme de la carène du navire permettait d'augmenter le sécurité du transport.
Mais revenons à l'objectif du jour: Fabriquer deux pièces "LW-E" Cette codification, assez typiques des petits barbarismes céramologiques provient de la chercheuse, Elisabeth Lyding-Will, une autorité en terme d'études "amphoristiques" et qui fut la première à établir une typologie et proposer des datations pour ce type d'amphores. On abrége, et les gréco-italiques se subdivisèrent désormais en LW-A, B. C. D et E...
Et dans la pratique, ce sont des hybrides entre LW-D et E dont nous allons suivre la fabrication.

Leur forme peut assez considérablement varier d'une fabrication à l'autre, comme le montrent des deux exemplaires issus de fouilles de Lattes. Col plus ou moins long, plus ou moins cintré, épaule plus ou moins marquée, quille proéminente ou pas, différences de galbe. Il ne s'agit plus là de questions de carènes de navires, mais plutôt de la "main du potier". ou d'un "style de fabrique", les formes variant d'un atelier à l'autre, d'un tourneur à l'autre.
A mon sens, ces gréco-italiques comptent parmi les plus belles des amphores par leur élégance et la douceur de leurs lignes. Mais ces caractéristiques les rendent difficiles à réaliser. Raccorder leurs courbes est un bel exercice de style qui n'est pas à la portée du premier venu. (ou de la première venue, bien qu'il faille être équipé d'épaules assez solides pour tourner les sections basses de ces pièces).








Première étape, le tournage des sections. Ce sont des pièces "assez courtes". 90 à 95 cm. et leur col ne dépasse pas les 30 cm, ce qui permet de les monter en trois parties. Plus simple donc que les Dressel 1 plus tardives, plus hautes (110 à 155 cm) qui nécessitent 4 sections. On pourra se reporter à l'article "amphores" pour les détails: http://arscretariae-archeoceramique.blogspot.ch/p/amphores.html


En premier la "quille", partie basse, qui se tourne à l'envers:
Sur un tour italien à pied, cela nécessite quelques contorsions, cette section étant assez haute, à peu près 45 cm. On tourne un cylindre que l'on rétrécit jusqu'à le fermer complétement pour former la quille.
On veille soigneusement à conserve un angle correct à la base de cette section qui, une fois retournée, devra se raccorder sur la panse. Le diamètre est soigneusement mesuré.


Puis on tourne la panse.
Elle se tourne à l'endroit, partant du diamètre de la base de a quille renversée. le haut amorce l'épaule de l'amphore. Un gros morceau à tourner. 9 kg. de terre, cela demande une certaine énergie.
Comme la quille, cette section reste sur son rondeau.


Et on passe au col. presque facile, seulement 4,5 kg de terre.
Là aussi, on veille à raccorder les inclinaisons et les diamètres. Le tournage se fait à l'envers, l'ébauche restant aussi sur son rondeau.
Les trois éléments sont prêts. La quille, environ 40 cm. de hauteur, la panse, 30 cm. et le col, environ 35. Soit 1m. 05 pour le tout. Avec les pertes au greffage, puis le retrait au séchage, cela nous laissera une pièce d'un peu plus de 90 cm. une fois cuite. A droite, une pièce terminée, toujours dans son mandrin, en cours de séchage.


Une nuit de séchage pour raffermir les élément et on peut passer au montage:
Je reprends le travail sur un tour à main. le tour italien n'est pas adapté à ce type de montage, et en plus je n'ai pas la hauteur de plafond suffisante pour ce travail. Donc on reprend sur le bon vieux tour à bâton, qui devient tour à main pour l'occasion...
On place la quille dans un mandrin de maintien, et on la sépare de son rondeau. Puis on pose le premier greffon. Il aura fallu préalablement le séparer aussi de son rondeau. Comme il est encore très mou, j'ai collé une plaque de bois sur sa partie supérieure pour éviter les déformations trop importantes, et je l'ôte sitôt après la pose. Les angles au niveau du greffage sont légèrement rentrants. C'est voulu, car beaucoup plus facile à corriger lors du tournage du raccord. Le contraire nécessiterait un gros travail de frappe pour diminuer les diamètres.
Le raccord de greffe en cours de tournage. Il reste une petite inégalité à corriger.
Lorsque le raccord est terminé. on prépare la greffe du col. la pose de la panse peut avoir provoqué quelques déformations, vite corrigées par une passe de tournage.
Il vaut mieux assurer le coup, et présenter délicatement le col, au cas où une retouche ou une correction d'angle serait nécessaire.
On peut ensuite passer au tournage du second raccord de greffe.
Puis on finit la lèvre. comme le col était tourné à l'envers, cette partie proche du rondeau est encore très molle et l'opération est ainsi facilitée.
Il vaut mieux attendre quelques heures avant de poser les anses. le raccord de l'épaule est encore très fragile à la fin du montage. Poser les anses immédiatement fait courir le risque d'enfoncements toujours difficiles à rattraper.
Opération terminée! On laisse raffermir un jour ou deux dans le mandrin, puis on pourra la transporter jusqu'à son lieu de séchage complet...
En l'occurrence la pièce à vivre. L'atelier est bien trop petit pour une telle population. Ces élégantes vont rejoindre le reste de la prochaine fournée, des Dressel 1B. Cinq quadrantales de 26 litres et une bâtarde de 19.
Elles auront tout le temps. A court de bois sec pour le four à amphores, elles devront patienter un bon mois encore.
Vous aussi, d'ailleurs, si vous souhaitez lire le récit de leur cuisson...