http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/p-10804-Pistillus-celebre-potier-antique-retrouve-a-Autun.htm
Mais e plus intéressant, aux yeux de l'archéocéramiste est sans conteste le four:
De très nombreux tessons de céramique métallescente ayant été retrouvés tout autour du four ainsi que dans son aire de travail, nous supposons que cette installation n'a pas servi qu'à cuire des statuettes ou de la céramique commune claire comme des cruches par exemple, mais qu'il était probablement principalement destiné aux gobelets engobés à couverte métallescente. Or, sur ce type de céramique, si on souhaite donner ces fameux reflets irisés au vernis argileux, une cuisson assez vigoureuse atteignant de fortes températures est nécessaire. Le risque de voir de nombreuses pièces surcuites, brûlées et parfois déformées devient assez important et peut nécessiter des précautions particulières. Ce chemisage peut en être une excellente raison. L'essentiel de la chaleur et des flammes passant par les ouvertures latérales, les "carneaux", le montage d'une paroi intermédiaire formée de plaques de terre cuite peut s'avérer une excellente solution.
Mais comment cela fonctionne-t-il?
Le meilleur moyen de la savoir est de tester une combinaison. Nous avons réalisé ainsi une cuisson expérimentale lors d'un cours de spécialisation avec des céramologues INRAP à Autun même, la ville qui a vu Pistillus développer son art! La ville d'Autun mettait pour l'occasion son four à disposition, l'installation même qui avait été construite pour les Journées Romaines peu après la découverte du Faubourg d'Arroux.
L'expérimentation était prévue de longue date et le four a donc été aménagé pour la circonstance.
L'association Légion VIII Augusta mettait également des infrastructures à disposition, le "four de Pistillus" ayant été installé définitivement dans le parc attenant au siège social.
Mais revenons maintenant au principe de cette cuisson
La vue en plan schématise le réseau des ouvertures de la sole. En rouge, les plaques qui constituent le chemisage interne. Les pointillés montrent le système de supports sur lesquels repose la sole. Sous cette dernière, on maintient ainsi un important espace pour la répartition des flammes qui assureront un chauffage optimal.
Ces plaques du chemisage, assez fines, ne peuvent pas dépasser une certaine hauteur, une trentaine de centimètres paraissant un maximum. Plus hautes, elles deviendraient très fragiles et risqueraient de se casser ou de fortement se déformer lors des cuissons. Les arrêter à mi-hauteur de la chambre de cuisson permet aussi de s'en servir comme supports d'étagère de reprise de charge. On peut donc ensuite empiler un maximum de pièces au-dessus de la "chambre à gobelets" sans que ces derniers risquent de se déformer sous la charge.
De plus les températures atteintes dans ce genre de four sont fortement dégressives. Ainsi une charge complète de gobelets peut parfaitement être surcuite au fond, et sous-cuite tout en haut. Les premières seront hors d'usage, et les secondes devant être recuites. Travailler ainsi permet de combiner deux variantes de céramiques, la gobeletterie métallescente cuite à haute température, puis des communes claire nécessitant une chaleur moindre. Mais en sommes-nous certains? Pas vraiment tant que nous n'aurons pas retrouvé les restes d'une cuisson en place dans un four.. Les vestiges d'étagères sont connus dans de nombreuses installations, et pas seulement les fours à sigillée ou les plaques reposaient sur les raccords de tuyauterie interne. Mais d'autres fours à flammes vives ont livré de nombreux éléments de tuiles plates surcuites, qui très vraisemblablement étaient constituées en casiers permettant ainsi d'empiler des céramiques sur de grandes hauteurs.
De plus, quid des carneaux internes? il ne subsiste aucune trace de protection quelconque qui ait permis d'atténuer les flammes passant par ces orifices. Même si ces carneaux sont de petite taille, il ne semble pas logique que les potiers de Pistillus se soient donnés tant de peine pour chemiser ce four et laisser les carneaux à nu! la réponse nous parviendra plus tardivement, après l'installation de notre four, lors des fouilles du quartier de la Gennetoye en juillet 2014. Sous la forme de douilles de réduction bloquent partiellement le passage des gaz de combustion par les carneaux internes. Il ressemblent à des beignets et ne laissent pratiquement pas de traces...
Pour cette édition, nous avons opté pour des cales tubulaires percées de petits évents latéraux, souvent documentés sur d'autres installations, mais pas encore à Autun... Ils fonctionneront un peu comme des diffuseurs de gazinières tout en servant également de supports d'étagères.
Le four équipé de sa chemise interne et des cales tubulaires. Certaines se trouvent sur des carneaux, d'autres pas et ne servent que de cales d'étagères. |
Et c'est parti! Nous attaquons le chargement, opération périlleuse s'il en est. C'est paradoxal, mais c'est souvent là qu'on fait de la casse... Les pièces crues, souvent très fines sont très fragiles.
En fait, c'est lors du chargement du four que tout se stabilise. Lorsque la partie inférieure est remplie, les risques d'effondrement de piles de céramiques ou de basculement de cales ou de plaques deviennent pratiquement nuls.
Les plaques intermédiaires sont posées, consolidant encore le tout. Ce sont d'anciennes tuiles moulées à la main. La terre sableuse dont elles sont constituées résiste parfaitement au feu, mais la répétition des cuissons peut entraîner d'importantes déformations ou affaissements.
La partie supérieure est à son tour remplie. On y met quelques gobelets engobés qui fonctionneront comme témoins de température.
Puis une bonne couverture de tessons pour assurer la rétention de chaleur... Il est 14 heures et la cuisson peut démarrer! Combien de temps durera la cuisson? Nous n'en savons rien. Une première fournée en décembre dernier avait montré que le four tirait bien, mais en cette occasion, avec le chemisage et la température qu'il sera nécessaire d'atteindre, cela risque de prendre un peu de temps...
C'est à la nuit tombante que l'on commence à voir ce qui se passe dans le four. Les couleurs d'incandescence s'avivent, la température monte...
Lorsque la couverture de tessons devient très chaude, les gaz de combustion se réenflamment, ce qui est toujours très bon signe...Et en fait c'est la couleur de ces flammes qui nous donnera le signal que la température nécessaire est atteinte. Mais quel signal faut-il attendre lorsque c'est la première expérience d'un nouveau type de cuisson? Bonne question...
Bonne question pour laquelle la recherche d'une réponse plausible peut demander un certain temps. Voire même un temps certain... Propice à certaine méditations...
Donc à 2 heures du matin, la couleur des flammes passant au bleuté semblant correcte, nous terminons la cuisson. Ce n'est pas sans inquiétude...
Sentir jusqu'où mener une cuisson, sentir quand il faut arrêter le feu est une question qui a toujours torturé les potiers de tous les temps et de tous les lieux...
Une cuisson est une espèce de long palabre dont l'issue est souvent incertaine, mais les traces toujours visibles..
Le lendemain en fin d'après-midi, défournement! Un peu de suie est encore présente sur les plaques de couverture.
La partie supérieure de la charge est parfaitement cuite, sans excès.
Les gobelets engobés n'ont pas grésé et sont restés rouges ce qui est normal. Un seul d'entre eux a commencé à gréser en partie. On trouve souvent des pièces antiques ainsi partiellement grésées, une partie étant sombre et l'autre claire.
Et surtout, grand soulagement, la partie inférieure de la charge est très bien cuite, avec de nombreuses pièces aux reflets irisés.
Une partie de la fournée. Il y avait en tout une centaine de pièces. Un seule casse. Lors d'une manipulation avant le chargement... Et aucune à la cuisson.
Le gobelet qui se trouvait dans la parie supérieure. Il présente ce flammage caractéristique des céramiques engobées gallo-romaines. D'autres pièces identiques placées dans la partie supérieure sont insuffisamment cuites, ce qui était prévisible. Elles repasseront dans la prochaine fournée.
Un gobelet à col cintré caractéristiques des productions d'Augustodunum. Il présente ces fameux reflets irisés, qu le font changer de couleur selon la lumière ambiante. Bleu à violet à l'extérieur par beau temps, il devient doré en lumière artificielle. Ici, la photo est prise en lumière naturelle, sous un ciel parfaitement gris...
Une autre pièce, un gobelet à haut col, présente un coloris un peu différent. le vernis est le même, mais le mélange de terres différent. le choix d'une combinaison entre l'argile pour le tournage et le vernis peut radicalement changer la couleur de la pièce
Belle réussite donc! mais pas facile à gérer en ce qui concerne les températures. Car vous l'aurez compris, ce serait trop facile de travailler à la sonde électronique. Et quelle importance si nous avons atteint 950, 1000 ou 1050 degrés? L'essentiel est que ce soit bien cuit....
Et merci à:
- Emmanuelle Du-Bouetiez-De-Kerorguen
- Annie Lefèvre
- Nadine Mahé-Hourlier
- Caroline Claude
- Elisabeth Lecler-Huby
Toutes céramologues INRAP, qui ont participé activement à cette aventure et au stage dont c'était un des points culminants!
- Stéphane Alix, Responsable d'opérations INRAP, qui m'a mis à disposition toute la documentation nécessaire à la reconstruction de ce four de Pistillus!
- Yannick Labaune, Archéologue municipal de la Ville d'Autun, qui m'accorde toutes les facilités pour dénicher le tesson miracle ou l'élément clé du four inconnu dans ses caisses de mobilier de fouille!
- A la Ville d'Autun, qui a mis à disposition le four, mais surtout la maison , la "Domus Augustae", abritant le siège social de la Légion VIII
- Et enfin à l'association Légion VIII Augusta, sans qui rien n'aurait été possible, qui nous a mis gracieusement toutes ses infrastructures à disposition.
On recommencera, c'est promis et c'est pour bientôt!