C'était le 1er mai dernier, à Randa Ardesca, le futur Archéosite d'Ardèche qui ouvrira tout bientôt ses portes. (www.randa-ardesca.com).
Afin d'optimiser le savoir.faire des animateurs du site, deux stages de perfectionnement à la céramique préhistorique et antique étaient prévus en ce début d'année. La première partie a été consacrée aux méthodes de fabrication, modelage, tournage et techniques hybrides. Le site de Randa Ardesca y consacre un article ici.
Lors de la seconde session, la cuisson d'un lot de céramiques préhistoriques modelées en mars était au programme. Il s'agissait de réaliser une cuisson en fosse ouverte, également dite en aire. Ce mode de faire est encore pratiqué en Afrique. Bien que les traces laissées par ce genre d'opération soient très fugaces, cette technique a été reconnue en Italie notamment pour la période néolithique.
On pratique une légère excavation, dont le remblai sert de paroi. Les céramiques y sont déposées en son centre. On veillera à pratiquer uen aire suffisamment large pour pouvoir préparer un feu de départ qui ne soit dans un premier temps pas en contact direct avec les vases mis à cuire.
Le feu est allumé progressivement jusqu'à ce qu'il forme un anneau autour du tas de céramiques. De simples déchets de taille de haies et broussailles peuvent parfaitement convenir à ce type de cuisson. Guillaume et Benjamin, co-administrateurs du site suivent attentivement la progression du feu.
La montée en puissance du feu doit être progressive. Trop rapide, elle risquerait de provoquer l'éclatement des pièces les plus exposées.
Puis, progressivement, on referme le foyer sur les vases, un peu comme une corbeille que l'on monte à l'envers.
A la fin, la fournaise devient terrible, l'impact thermique est énorme, et les pièces cuisent très rapidement.
Laissées dans le feu mourant, les céramiques redeviendraient claires par oxydation de leur surface. Tout l'art de ce genre d'opération réside en une imprégnation de carbone par contact pour les noircir. On retire donc à l'aide de longs bâtons les céramiques encore brûlantes du feu, et on les plonge dans un hachis végétal, Sciure, balle de céréales, herbe finement coupée, paille, tout peut faire l'affaire. On pourrait aussi les rouler dans l'herbe fraîche. L'effet serait toutefois moins puissant
Ainsi imprégnées, les pièces deviennent noires. Une sorte de raku préhistorique, en quelque sorte.
les vases qui restent dans la cendre s'éclaircissent progressivement. Leur couleur finale dépend à la fois des argiles utilisées et des combustibles. Ici, on est plutôt dans le gris clair, ce qui est plutôt rare.
Un beau "tableau de chasse"!. Aucune casse à déplorer, ce qui n'est guère courant. Ces cuissons sont brutales, et les argiles doivent être très résistantes pour les supporter sans dommage. On a ici un échantillonnage de pièces du néolithique et des âges du bronze ardéchois. Au premier plan, une trompe du Bronze final faite par Benjamin Margotton, notre luthier préféré, qui pour une fois a troqué le bois contre l'argile. Avec un certain bonheur, visiblement!
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mardi 27 mai 2014
lundi 26 mai 2014
Un askos daunien à décor de bandeaux
Les
cultures de l’Italie d’avant les Romains sont d’une richesse insoupçonnée. Ces
curieux récipients au nom imprononçable et d’origine paraissant tout à fait improbable
en sont une expression parmi des milliers d’autres. Brièvement, voyons de quoi
il en ressort:
Un
askos est une cruche asymétrique de tradition grecque, à une ou deux embouchures
latérales. C’est une forme très ancienne
quoique peu connue, dont l’origine remonte aux âges du bronze, et qui a évolué
avec le temps. A l’origine l’askos peut avoir soit une forme animale, ou encore
évoquer la forme d’une outre. Sous cette forme sphérique ou ovoïde à embouchure
latérale, elle disparaîtra avec l’arrivée de la culture latine.
Précisons
encore que le terme « askos » (outre) est moderne. On ne connaît pas
le nom donné dans les langues anciennes à ce type de récipient.
L'askos qui a servi de modèle. Collection F. E., Genève. Photo issue de:
L'Art des peuples italiques
: 3000 à 300 avant J.-C. Ed. Musée d'Art et d'Histoire de Genève -
Société Hellas et Roma
|
Et les Dauniens ? Qui
sont-ils ? Peu connus, c’est un peuple d’Italie méridionale dont le territoire
est à situer dans les Pouilles actuelles, dans la région de Foggia. Leur histoire
est mal connue et se confond parfois avec celle de leurs voisins Samnites souvent
en conflit avec Rome. On sait qu’ils apparaissent vers le VIIIème siècle avant
notre ère et bien qu’intégrés à la Grande
Grèce et assurant des contacts avec les populations voisines,
conserveront une riche culture particulière indépendante.
Les
askoi ici illustrés en sont un des reflets, et tant les formes que les décors
sont tout à fait typiques de l’expression artistique daunienne. Il s’agit là de
pièces témoignant du troisième style subgéométrique. Les pièces plus anciennes,
elles aussi décorées de bandeaux peints, portent moins de détails, les
premières étant simplement décorées de bandes colorés, sans cette multitude de
petits motifs et détails qui font le charme de ces pièces de troisième style.
La production de ces cruches est à situer entre 350 et 300 avant notre ère,
notamment à Canosa, une ville importante où un atelier a été identifié. A ce
moment, cette ville, comme toutes les Pouilles et l'essentiel de l'Italie méridionale
sont donc encore partie prenante de la Grande Grèce. Les Romains conquirent la région au cours de la
guerre contre les Samnites et contre Pyrrhus entre les IVème et IIIème siècles
av. J.-C. La conquête par les Romains de toutes les villes de Pouilles se
termina en 260 av. J.-C. Le rouleau
compresseur de la culture latine et romaine entraîna rapidement le déclin, puis
la disparition par absorption de la culture daunienne.
Un autre exemplaire à nouveau de style très proche.
Metropolitan Museum of Art in New York City, New York. Photo © Mary Harrsch
|
Ce dernier exemplaire du British Museum porte un décor plus simple, mais est aussi de plus petite taille. Photo www.britishmuseum.org, droits limités. |
Précisons-le d'emblée, réaliser de telles pièces n'est pas simple. Elles sont entièrement modelées, mais hors de question de travailler aux colombins. Bien que cela soit techniquement possible, cela prend énormément de temps, et le fond rond de ces pièces rend l'opération plus que périlleuse. Il est plus pratique de mouler deux coques hémisphériques, de les coller ensemble et de découper après coup l'ouverture du col. Suffisamment grande, on pourra y passer la main pour parfaire le joint d'assemblage, puis on pourra monter le col et l'anse. Un gros travail de battage est nécessaire pour corriger les imperfections et parfaire les formes. L'argile utilisée est une terre très claire chamottée. Un polissage aux galets est donc nécessaire.
Ensuite, le corps est entièrement engobé rose pâle, puis le décor est peint. la couleur est obtenue par une argile enrichie au manganèse, le "braunstein" connu depuis la préhistoire et donnant des tons bruns-violacés.
Mieux vaut être assez zen avant d'entreprendre un tel décor. Une tache ne pardonne pas sur un engobe clair. On peut toujours la recouvrir d'un petit motif supplémentaire si elle n'est pas trop importante...
Dernier détail: quasi impossible de travailler au pinceau... la réserve de barbotine n'est pas assez importante et on doit faire des raccords tous les deux centimètres. Et il y a près de dix mètres de filets... Impossible aussi de travailler à la pipette, le mélange est trop liquide. Il a fallu trouver une autre méthode...
Je vous raconterai tout ça un jour...
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