dimanche 26 février 2012

Cuissons d'hiver, acte II. Une nouvelle cuisson réductrice.

La fournée précédente était une belle réussite, il ne fallait donc pas s'arrêter en si bon chemin. De plus, le temps était nettement plus doux et en plus on s'impatiente toujours outre-Jura et au-delà de la Sarine...

Je vous passerai donc l'étape du chargement du four, petit exercice d’équilibrisme qui consiste à édifier des piles de céramiques crues dans une chambre de cuisson devenue quelque peu bancale au fil des années. Peu photogénique et donc assez fastidieux à suivre. Fastidieux aussi parfois pour le potier qui doit constamment prendre garde aux risques de basculement de ces piles de récipients encore fragiles. Et faire de la casse à l'enfournement, parmi les petites misères des potiers, c'est bien là une des plus rageantes...

On prend donc le fil des évènements au moment de la réduction. le pic de température étant atteint, la cheminée est refermée et les gaz de combustion se réenflamment lors de leur passage au travers des fissures.
 Dès ce moment le travail se fait "à l'aveugle". Impossible de voir ce qui se passe dans le four. Il faut estimer la baisse des températures. Et comme je suis un intégriste, je travaille sans thermomètre...

























On peut tenter cette évaluation par l'observation des flammes d'échappement,mais c'est aléatoire. la formation de suies dans le foyer est un meilleur indicateur pour déterminer le moment de l'enfumage.
En attendant, de bois poisseux et un peu humide active le processus.
 De temps à autres, il faut touiller les braises et les étaler. Attention aux retours de flamme! Ce sont des moments où il fait rarement froid devant le foyer...
Ensuite vient le bourrage du foyer aux écorces humides, puis on obture le tout. Et on attend. Deux jours au moins, comme toujours. Il faut beaucoup attendre dans le métier de potier. Attendre que les pièces sèchent, que le four chauffe, puis qu'il refroidisse. Peu indiqué pour les impatients, comme activité...

Trois jours après, défournement. L'ouverture de la porte est toujours un moment où  les petites angoisse de la fin de la cuisson refont surface. Si il existe une question qui a torturé les potiers de tous les temps, c'est bien celle de prendre la décision de terminer une cuisson. Comment être sûr d'avoir atteint la bonne température? A-t-on tenu le palier final suffisamment longtemps? L'enfumage a-t-il été démarré au bon moment?
Mais maintenant la procédure est bien rodée, et malgré le caractère assez aléatoire de ce genre de cuissons, les ratés de grande envergure sont devenus rares.


 La fournée est réussie, et comme la dernière fois, ce sont essentiellement des gobelets gaulois qui se trouvent devant l'ouverture. Ce sont les plus délicats à empiler avec leurs pieds parfois très étroits.

 Parmi les premiers à être extraits, ce gobelet balustre typique de la première moitié du Ier siècle avant notre ère. Curieusement, c'est une forme que l'on va trouver dans des lieux très éloignés les uns des autres, comme Manching en Bavière, Bourges, ou encore le Mont Vully en Suisse.
Il est devenu parfaitement noir à la cuisson, et le reflet du ciel bleu luis fait prendre une teinte "aile de corbeau" à la prise de vue.










 Un peu plus loin dans le four, toujours quelques gobelets, mais aussi des pichets mérovingiens réalisés par Eric Angehrn: ceramed-poterie.blogspot.com

Vaisselle de légionnaires

Et comme la dernière fois, un lot de pièces pour Alesia. Aujourd'hui, un lot de gobelets, bols et écuelles réalisés d'après les tessons issus des fouilles des campements de la Plaine des Laumes, dans la région des grandes fortifications édifiées par César:

 Ce qui frappe d'emblée, c'est aussi de la vaisselle noire! Comme celle des Gaulois. En fait c'est bien de la vaisselle gauloise, fabriquée par des Gaulois, mais que les Romains ont achetée lors de leurs périples an Gaule lors de cette guerre qui dura 6 ans. César n'a pratiquement jamais été en guerre contre toutes les tribus Gauloises, et cela lui a permis de s'approvisionner auprès des ses alliés du moment, que ce soit en nourriture ou en fourrage pour les bêtes, ou en ustensiles du quotidien. Tout au plus, en ce qui concerne cette vaisselle, les Romains la commandaient selon leurs modèles.
Mais au moment su siège d'Alesia, pratiquement toutes les tribus s'étaient révoltées, et probablement ces vases avaient été achetés ailleurs quelques temps auparavant. Constellées de paillettes de mica, ces pièces pourraient bien venir d'Auvergne, par exemple.

Et enfin, pour en savoir plus sur Alesia, une excellent article de Mireille Descombes dans l'Hebdo de cette semaine:
 Vous le trouverez ici, en texte intégral: http://www.hebdo.ch/la_revanche_des_gaulois_149227_.html
 Mais pour obtenir les illustrations, il faudra acheter le journal en version papier. il restera encore quelques jours en kiosque...
En plus de l'histoire de la bataille et du site, vous y trouverez une interview de Bernard Tschumi, concepteur et architecte du nouveau Centre d'interprétation: Un bâtiment d'exception pour un site exceptionnel!

Le Centre d'Interprétation tel que vous le verrez dès le 26 mars (Photo C Bernard Tschumi Architectes à Lausanne et C www.alesia.com)
Site Web Alesia:  http://www.alesia.com/
Nb. Pour nos amis Français, l'Hebdo est un magazine romand d'actualités aussi bien mondiales que suisses. C'est un journal de débats et d'opinions, qui pourrait peut-être se situer entre le Nouvel Obs', l'Express et Marianne.

Et enfin pour terminer, une vue sur le lot complet issu de cette fournée:



Et déjà la cuisson suivante est en préparation.
Ce sera très différent, dans le style mais aussi dans la technique.
A tout bientôt donc, ô honorable visiteur!



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