Lors d'un
précédent article sur la fabrication des amphores gréco-italiques, nous en
étions restés au stockage sur leur lieu de séchage.
Elles ont attendu
longtemps. Trouver trois jours de météo stable, sans orages ou grands vents n'a
pas été simple cette année. Le grand four, dépourvu de toiture permanente est
exposé à toutes les vicissitudes météorologiques possibles, mais se sont
surtout les coups de vent qui sont dangereux.
Cuire des
amphores dans un four à bois n'est pas si simple, et que ce soit dans une
réplique de four antique complique encore un peu les choses. La couverture de
ce genre d'installations, (le couvercle de la casserole, en quelque sorte)
faite de tuiles et de tessons est un peu incertaine. Qu'une seule plaque se
casse en cours de cuisson, et il faudra réparer à chaud... Et qu'elle cède en
cours de refroidissement ce qui est beaucoup plus rare, et c'est la
catastrophe. Dans les deux cas, un gros puits de tirage se créera, et les chocs
thermiques seront assurés. Il faut l'éviter à tout prix.
Les amphores prêtes à être chargées: 5 Dressel 1b quadrantales de 115 cm. , une bâtarde de 95 cm, et 2 gréco-italiques de 90 cm. Du beau monde... |
Charger
un four à amphores, c'est comme la fabrication, c'est assez sportif.
L'enfournement doit se faire à deux ou trois personnes. L'une d'entre-elles me
passe les pièces alors que je me trouve à l'intérieur du four, l'autre les
maintient afin qu'elles ne basculent pas. Les plus grandes pièces pèsent
environ 25 kg.
, et pas question de les saisir par les anses qui ne résisteraient pas à une
telle charge... Et donc pas le temps de prendre des images, trop préoccupés que
nos sommes à éviter la casse.
La charge est déjà recouverte d'une partie de ses tuileaux et le feu allumé. Nous sommes encore en préchauffage très doux. |
Une fois
le four chargé, il faut organiser la couverture. Les tuiles anciennes moulées à
la main conviennent bien, il faut juste vérifier qu'elles ne soient pas fêlées.
Les tuiles modernes fabriquées à la presse ne conviennent pas, l'argile trop
fine et trop grasse éclatant très facilement en seconde cuisson. Parce que là
est le problème. Ces tuiles seront soumises à la chaleur du four et donc
partiellement ou totalement recuites. On peut éviter les tensions en rajoutant
des tessons par-dessus cette première couverture. Cela permet aussi d'obturer
les espaces trop importants qui généreraient trop de tirage. Avoir un bon
tirage, c'est bien, mais trop conduit à une chauffe plutôt brutale et augmente donc
des risques de casse, aussi bien des amphores que de la couverture. Et on
n'oublie pas d'aménager un petit regard offrant un bon point de vue en
profondeur. C'est cela qui permettra de jauger à l'oeil les températures de
cuisson.
C'est parti pour le grand feu! L'avant du four a été complétement reconstruit après un effondrement du aux intempéries... Avec une voûte en plein cintre et un arc de décharge, ça devrait tenir... |
Une demi-heure
plus tard, je commence à recouvrir les tessons de cendres pour couper presque
complètement le tirage, et simultanément je laisse le feu se calmer. Au final,
un petit coup de réduction améliorera la résistance mécanique de la terre
cuite. L'important est surtout de ralentir le plus possible le refroidissement.
L'entrée du foyer est donc également obturée.
Le surlendemain, le four est encore très chaud, ce qui est un bon signe. Très
progressivement, je commence à dégager la cendre et à retirer quelques tessons
de couverture. Trois jours que je me ronge les ongles, je ne vais plus tarder à
être fixé...
La couverture encore recouverte de cendres |
Débarrassées de leurs rallonges de col et autres cales de cuisson ou de couverture, nos amphores sont maintenant bien visibles. Que du bonheur! |
Et le
chargement sorti du four. Une seule pièce présente une petite fissure, due à
une erreur de tournage, un joint de raccord ayant été un peu "forcé"
Mais
l'essentiel est surtout qu'il n'y a aucune casse due à la cuisson. Enorme
soulagement. Lors des fournées précédentes j’avais eu une casse importante, mais
aussi des conditions météo difficiles et mal maîtrisées. Cette cuisson pour moi
représente un pas important, une sortie de la zone d'incertitude. Il aura fallu
la casse d'une dizaine de pièces pour y parvenir. C'est une loi incontournable,
il faut apprendre de ses erreurs...
Quelle
belle fournée! Vivement la prochaine!
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Cette cuisson a été réalisée le 17 juillet dernier. Environ 40 kg de branches de hêtre et de frêne, puis 100 kg de résineux, épicéas et sapins douglas ont été nécessaires. La charge représentait une masse de 170 à 180 kg, plus une vingtaine de kilos de cales. Température environ 950 degrés, atteinte après un préchauffage de 4 heures puis 5 heures de grand feu.
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