A nouveau un dolium donc, mais basé sur une technique de fabrication assez différente. Il sera cette fois essentiellement tourné, bien que le montage de base se fasse toujours au colombin.
Fabriquer de grandes pièces requiert une solide technique. Et en ce qui consiste du tournage, il n'y a pas de miracle. Certaines hauteurs sont parfois impossibles à tourner en une seule fois, tout comme les amphores. Il faut donc ruser. Soit on procède par empilement d'éléments, ce qui tient parfois de la gymnastique et de l'équilibrisme, soit on pose des colombins plus ou moins gros que l'on amincit et monte ensuite par tournage.
Montage d'un gros saloir en plusieurs éléments. Noron-la-Poterie (Basse Normandie) vers 1900. Comme beaucoup de potiers de sa génération, cet homme travaille toujours au tour à bâton... |
Mais si on souhaite éviter ce genre de manipulations, le tournage de colombins peut parfaitement faire l'affaire. Ce potier japonais de l'île de Shikoku, vers les années 1950 démarre une jarre à fermenter le saké. Il monte des colombins gros comme le bras, qu'il tournera ensuite. Chaque colombin lui permet de rajouter au moins 20 cm. de hauteur à sa pièce en construction.
Il faut toutefois être prudent lors d'un tel travail. Après chaque colombin, on laissera la jarre reposer et sécher pendant quelques heures. Ainsi elle ne risquera pas de s'effondrer sous son propre poids.
A l'arrière de l'atelier, on voir d'autres jarres en cours de montage. Si le temps est très sec, on peut si nécessaire régulariser la vitesse se séchage en entourant certaines parties de vases par des "paillassons", sortes de nattes de roseaux, de joncs ou de paille.
Ce potier utilise pour son travail une petite tournette à barillet toute simple. Si au début, l'inertie est faible, au fur et à mesure du montage cette dernière augmentera et facilitera la rotation de l'installation. Plus la pièce est lourde et plus elle devient facile à travailler...Enfin, presque. quelques échafaudages et une petite aide sont parfois nécessaires...
C'est une méthode de travail presque aussi ancienne que l'invention du tour à main, et bien des grandes jarres antiques sont montées de cette manière, spécialement dans le monde méditerranéen.
Et c'est ainsi que je monte ce dolium d'une hauteur de 65 cm. environ pour une capacité approximative de 50 litres, sur un petit tour à main.
C'est en plein hiver, et comme le chauffage de mon atelier est assez aléatoire, je préfère travailler dans ma pièce à vivre et profiter de la bonne chaleur de mon poële à bois. En plus c'est une technique peu salissante, les opérations de tournage se réalisent en humectant légèrement les parois. On ne risque donc pas de projections sur les tapis. Ici, pose d'un colombin. la pièce étant très fine pour sa taille, environ 5 mm. d'épaisseur, je préfère travailler avec des colombins de taille plutôt réduite, 4 à 5 cm. de diamètre. Il suffisent pour monter 10 à 12 cm. de paroi et ne chargent pas trop l'édifice.
Une fois le colombin posé et aminci par pincement, il est frappé à la batte, ce qui régularise l'extérieur de la paroi et parfait le collage.
L'intérieur est ensuite lissé à l'estèque afin d'éliminer les aspérités les plus importantes...
Puis la partie fraîchement montée est amincie et montée par tournage. Lorsque la pièce est ainsi ouverte, elle est très instable et il faut procéder en plusieurs passes afin d'atteindre l'épaisseur voulue.
Finalement on lisse les surfaces à l'estèque, puis on laisse sécher un peu, et on recommence avec le colombin suivant. Dés que le diamètre maximal est passé, la géométrie de la jarre contribue à sa stabilisation, et les risques de déformation ou de désastre lors du tournage deviennent moindres. Une pièce de forme fermée est ainsi toujours plus stable qu'une forme ouverte.
Il faut veiller, surtout lors des ruptures de courbes, à travailler le plus régulièrement possible afin de faciliter la mise en forme par tournage. Si nécessaire, je n'hésite pas à couper les irrégularités au fil afin de poser un nouveau colombin sur une tranche bien régulière.
En atteignant la limite de l'épaule, je préfère tourner essentiellement à l'estèque, outil qui facilite aussi le rétrécissement du diamètre...
Encore un colombin et le col est atteint. ä cet endroit, il est absolument indispensable de sectionner au fil toutes les irrégularités afin de repartir sur une section parfaitement plane. En posant un colombin bien régulier, on se simplifie énormément la tâche. Tourner une lèvre bien régulière sur ce type de pièce n'est pas évident, alors autant se faciliter la tâche...
Le colombin est posé. on va d'abord le battre et le régulariser à la spatule. Dés lors le tournage final ne posera pas trop de problèmes...
Un dernier lissage après le temps de séchage réglementaire et c'est terminé:
65 cm. de haut, un peu plus de 50 de diamètre pour un peu moins de 10 kg de terre. ça a l'air facile, mais il faut savoir être patient avec ce genre d'animal. ne pas respecter les temps de séchage intermédiaires, c'est courir à la catastrophe. C'est pourquoi dans les poteries traditionnelles les tourneurs avaient toujours plusieurs pièces en cours. ce nombre dépendait de leur taille bien sûr, mais aussi de la météo. Si l'air est très humide, elles prendront plus de temps à sécher, sont on travaille tour à tour sur un plus grand nombre de pièces. Et si le temps suite à une saute d'humeur s'assèche brutalement, on sort les tissus humides ou les paillassons...Après, il ne reste plus que le problème de la transporter jusqu'au four et de la placer dans celui-ci sans la casser... puis de la cuire sans la casser non plus...
Mais rassurez-vous, ô fidèles lecteurs. Tout s'est bien passé lors de la cuisson. Je vous l'illustrerai un de ces jours. Dès que j'aurai retrouvé les photos que j'ai égarées dans les dédales d'un de mes disques...
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