Réalisée simultanément avec une cuisson de pièces mérovingiennes, cette cuisson devait faire l'objet d'un article promis il y a quelques temps déjà.
Le lecteurs habitués à ces pages connaissent peut-être l'article en question, mais dans tous les cas vous le trouverez ici:
Une cuisson oxydante de céramiques du haut Moyen-Age
Soirée mémorable, et fournée qui le fut tout autant! Réaliser
simultanément deux cuissons représente un gros travail de préparation,
et une bonne coordination. Deux fourniers ne furent pas de trop, surtout
durant les dernières heures durant lesquelles l'attention ne doit pas
faiblir.
Au programme de cette cuisson en four gallo-romain, une
grosse série de pièces tardives à revêtement argileux, ce que les
archéologiques nomment "céramique métallescente" avec en plus des "sigillées
tardives" ou "sigillées du bas-empire". Ce sont des pièces recouvertes
de vernis argileux qui devra partiellement se vitrifier lors de la
cuisson, rendant ainsi les pièces très dures et partiellement ou
totalement étanches. Lors du refroidissement, si les bonnes conditions
sont réunies, le vernis prendra parfois un reflet métallique qui
justifie cette dénomination de "céramique métallescente". La raison de
ces reflets reste pour le moment encore assez obscure. Peut-être qu'une
couche de quartz fondu se répand à la surface des vernis, puis se
cristallise dans deux sens différents lors des phases réductrices puis
oxydantes, et renvoient ainsi une lumière irisée et partiellement
décomposée, un peu comme lorqu'on colle deux plaques de verre avec un
peu d'eau entre deux.
Dans le contexte antique, on peut
considérer que ces céramiques relèvent d'une haute technicité, d'un
savoir-faire immense que nous autres potiers modernes avons eu bien du
mal à reproduire. En contexte moderne, ces pièces restent difficiles à
réaliser, la préparation puis la cuisson des revêtements argileux
restent complexes et demandent toujours un "certain" savoir-faire.
Surtout lorsque l'on travaille sans appareil de mesure de température,
comme je le fais toujours. Quant on est intégriste...
Les deux fours, côte à côte, avant le début des cuissons. Ils débouchent
dans la même aire de chauffe, ce qui facilite leur alimentation.
Le four est chargé, il ne reste plus qu'à allumer le feu. à ce moment
les pièces, hormis celles qui sont peintes, sont toutes de la même
couleur rouge terne.
le four gallo-romain est allumé vers 13
heures, le mérovingien à 16 heures. Au début, la chauffe est douce afin
de ne pas précipiter l'évaporation de l'humidité résuiduelle, ce qui
pourrait faire éclater les plus grosses pièces, et s'effondrer les
empilements.
Après deux heures de ce "préchauffage", on commence à accélérer pour atteindre le grand feu.
Tombée de la nuit. déjà près de 9 heures de cuisson, les pièces
deviennent incandescentes et presque translucides. C'est toujours un
enchantement de suivre cette apparition.
Cette couleur rouge sombre indique que la température s'approche de 800
degrés. Nous sommes encore loin du compte et trois bonnes heures
supplémentaires à la puissance maximale du four seront encore
nécessaires pour atteindre la température de maturation des terres et
des vernis.
Aux dernières lueurs du crépuscule, la première cuisson est suivie avec la plus grande attention, elle sera bientôt terminée.
Une heure plus tard, alors que la chaleur est devenue intenable dans
l'aire de chauffe, nous mettons un terme à la cuisson mérovingienne.
Et vers une heure du matin, la cuisson gallo-romaine est mise en
réduction. La cheminée du four est obturée et le feu est toujours
alimenté afin de priver la chambre de cuisson de l'apport de l'oxygène
atmosphérique. Les gaz isus de la combustion incomplète se réenflamment
au contact de l'air et se faufilent par toutes les fissures de la
coupole et du système de fermeture. La température doit se situer entre
1000 et 1050 degrés. En fait je ne sais pas exactement, je ne l'ai
jamais mesurée...
La réduction est courte, 20 à 30 minutes, pas plus, pour obtenir des revêtements bruns-rouges. Le feu se meurt lentement...
...tandis que les flammes d'échappement s'éteignent les unes après les
autres, montrant ainsi que la combustion se fait maintenant
essentiellement dans le four.
Puis ce sera la longue attente. deux jours seront comme toujours nécessaire au refroidissement du four est de sa charge.
Et le surlendemain...Défournement!
Dés la première cruche extraite, on voit que la cuisson a été parfaite.
Ici, une sigillée tardive d'Ile-de-France. Ces pièces sont d'abord
peintes, puis entièrement recouvertes de vernis argileux. Les motifs
apparaîtront par transparence. Ces cruches sont extrêmement délicates à cuire. Quelques degrés de trop, ou un peu trop de réduction, et le vernis argileux deviendrait opaque et cacherait les motifs sous-jacents.
Puis un mortier à déversoir en tête de lion, le célèbre "Dragendorff 45"
des archéologues.Il est parfaitement venu à la cuisson, et c'est un
enchantement que d'extraire de telles pièces du four! Cette version,
avec le bandeau orné de guillochis est typique des ateliers de potiers
gallo-romains de Portout dans l'Ain et de Thonon, en Savoie.
Et encore une vue partielle du résultat de la fournée. Une seule pièce cassée, une ou deux quelque peu déformées. Sur plus de 100 pièces...
Que du bonheur!
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